Bébé leucémique
Avec FaceBook, sauvez un bébé leucémique... ou empêchez un hôpital de travailler dans de bonnes conditions.
La solidarité, c'est bien connu, n'a pas de frontières... comme Internet. Il est donc tentant d'associer les deux, mais les résultats sont le plus souvent catastrophiques. C'est encore le cas du message dont nous allons vous parler, qui est actuellement en circulation sur FaceBook.
Il en existe au moins trois versions différentes, mais le contenu est toujours le même : on nous invite à tenter de sauver un bébé leucémique de 17 mois en attente de sang B +.
Problème : les hôpitaux n'ont jamais manqué de sang pour ce bébé ou pour aucun autre. En revanche, ils ne manquent pas d'appels qui empêchent leurs standards de fonctionner correctement...
Reprenons la chronologie de l'affaire avec Paolo Attivissimo, "cacciatore di bufale" qui a consacré un article au sujet sur son blog.
Comme nous l'a expliqué ce chasseur de rumeurs italien, "le message original a été envoyé par un proche de l'enfant fin mars 2007. L'enfant existe vraiment ; il s'appelle Riccardo C." En revanche, comme vous pouvez le constater, il n'a plus 17 mois depuis longtemps...
A l'origine, d'après Paolo Attivissimo, "le message était authentique et demandait de l'aide pour localiser des donneurs de sang du groupe B + pour Riccardo, qui était alors à l'hôpital Meyer de Turin, pour soigner sa leucémie." Mais cette demande était-elle fondée ?
Non, d'après les renseignements de Paolo Attivissimo : "le proche de l'enfant a envoyé ce message parce qu'il ou elle n'avait pas compris la situation et pensait que l'hôpital Meyer n'avait pas assez de réserves de sang B +. Ce n'était pas vrai ; l'hôpital avait en fait des réserves abondantes." Aux dernières nouvelles (mai 2009), Riccardo était donc en bonne santé.
Le message se portait encore mieux que lui. Pourtant, toujours d'après Paolo Attivissimo, le proche qui l'a envoyé n'avait pas recherché une telle publicité : "son intention était seulement de solliciter ses amis proches. Malheureusement, ces amis proches ont envoyé le message a leurs amis, et ainsi de suite. La famille de Riccardo a perdu le contrôle de l'appel." Un mécanisme classique, et la suite l'est tout autant.
Laissons Paolo Attivissimo vous la conter : "cet appel a affecté beaucoup d'hôpitaux en Italie et en Suisse. Les standards téléphoniques ont été saturés de coups de fil de gens se proposant pour donner du sang et demandant des nouvelles de l'enfant. Ce qui a entraîné d'importantes perturbations dans le travail de ces hôpitaux. C'est pourquoi il est très important d'arrêter la diffusion de cet appel."
Obtenir l'arrêt de telles chaînes est malheureusement loin d'être facile. L'hôpital initialement concerné a publié un démenti sur son site, la Stampa et la Nazione des articles sur le sujet. En vain.
C'est d'autant plus dur à avaler quand on sait que la situation décrite dans le message n'a en fait pratiquement aucune chance de se produire, en Italie comme en France. Damien Voces-Olego, de l'Etablissement Français du Sang, est catégorique à ce propos :
"Nous ne sommes vraiment pas dans la même logique que les dons d’organes par exemple, et de fait les manques de sang spécifiques sont impossibles. Il y a des problématiques de gestion des stocks par groupe sanguins, mais elles sont globales et non limitées à un établissement de santé ou un patient.
Certains groupes sanguins sont plus « consommés » que d’autres, notamment le O négatif puisque utilisé par exemple pour les hémorragies. Mais jamais au point de parler de rupture de stock ou d’approvisionnement. Au contraire, nous agissons en conséquence pour augmenter le prélèvement sur tel ou tel groupe en fonction des besoins."
Besoins qui, on le sait, sont constants. Alors si vous voulez vraiment faire quelque chose d'utile, vous pouvez toujours vérifier que vous répondez bien aux conditions requises pour être donneur, trouver le lieu de collecte le plus proche de chez vous et vous y rendre.
Évidemment, c'est plus difficile que de cliquer sur une souris, mais c'est aussi plus efficace que de faire suivre tous les messages de ce type, en se disant que Dieu reconnaîtra les hoaxiens...
hoaxbuster
Rédacteur Hoax